De la validité d’inclure l’étudiant en science religieuse dans le sens du verset « … et dans le sentier d’Allâh »

Rédigé le 20/04/2020

Sheikh Mohammad Ali Ferkous

Question : J’ai lu dans l’exégèse du cheikh As-Sa‘dî رحمه الله sur verset de la Zakât dans la sourate d’At-Tawba (le repentir) qui montre la catégorie « … et dans le sentier d’Allâh » cette parole : « De nombreux juristes ont dit : si celui qui peut gagner sa vie se consacre entièrement aux études scientifiques, on lui donne de la Zakât ; car l’étude des sciences islamiques est incluse dans le combat dans le sentier d’Allâh. »

L’étudiant en sciences islamiques est-il inclus dans la catégorie « … et dans le sentier d’Allâh » ? Comme si par exemple on lui donne de cet argent pour voyager à la recherche de la science ou pour se procurer des livres ? Qu’Allâh vous rétribue de la meilleure façon.

Réponse : Louange à Allâh, Maître des Mondes ; et paix et salut sur celui qu’Allâh a envoyé comme miséricorde pour le monde entier, ainsi que sur sa Famille, ses Compagnons et ses Frères jusqu’au Jour de la Résurrection. Cela dit :

En dépit de l’avis qui donne un sens large à l’expression « … dans le sentier d’Allâh » dans le verset qui spécifie les dépenses de la Zakât :

﴿إِنَّمَا ٱلصَّدَقَٰتُ لِلۡفُقَرَآءِ وَٱلۡمَسَٰكِينِ وَٱلۡعَٰمِلِينَ عَلَيۡهَا وَٱلۡمُؤَلَّفَةِ قُلُوبُهُمۡ وَفِي ٱلرِّقَابِ وَٱلۡغَٰرِمِينَ وَفِي سَبِيلِ ٱللَّهِ وَٱبۡنِ ٱلسَّبِيلِۖ فَرِيضَةٗ مِّنَ ٱللَّهِۗ وَٱللَّهُ عَلِيمٌ حَكِيمٞ ٦٠﴾

﴾Les Ṣadaqāts ne sont destinés que pour les pauvres, les indigents, ceux qui y travaillent, ceux dont les cœurs sont à gagner (à l’Islam), l’affranchissement des jougs, ceux qui sont lourdement endettés, dans le sentier d’Allâh, et pour le voyageur (en détresse). C’est un décret d’Allâh ! Et Allâh est Omniscient et Sage﴿ [s. At-Tawba (le Repentir : v. 60]

La Sounna authentique indique qu’on peut inclure, dans ce sens, seulement deux catégories, et qui sont :

La première : le conquérant qui n’a pas de part ou de salaire dans la trésorerie générale, quoiqu’il est riche, vu le hadith du Prophète صَلَّى اللهُ عليه وآله وسَلَّم : « Il n’est pas licite de donner une aumône à un riche, sauf dans cinq cas : pour un conquérant dans le sentier d’Allâh, ou pour celui qui la distribue, ou pour une personne endettée, ou pour un homme l’ayant achetée avec son argent, ou pour un homme qui a un pauvre voisin à qui on a donné une aumône, et que ce pauvre l’a donné ensuite à un riche. »(1) Et aussi vu le hadith du Prophète صَلَّى اللهُ عليه وآله وسَلَّم : « Trois personnes méritent l’aide d’Allâh : le moudjahid dans le sentier d’Allâh, l’endetté qui veut rembourser ses dettes et le marié qui veut être chaste. »(2)

La deuxième : la personne qui fait pour la première fois le hadjdj (le pèlerinage obligatoire) est comptée parmi la catégorie « … dans le sentier d’Allâh ». Si elle est pauvre on lui donne de l’argent de la Zakât pour qu’elle puisse accomplir l’adoration du hadjdj, vu le hadith d’Ibn ‘Abbâs رضي الله عنهما qui a dit : « Le Messager d’Allâh صَلَّى اللهُ عليه وآله وسَلَّم voulut accomplir le hadjdj ; une femme dit alors à son époux : “emmène-moi en pèlerinage sur ton chameau avec le Messager d’Allâh صَلَّى اللهُ عليه وآله وسَلَّم? » Il lui dit : « Je ne possède pas [de monture] sur quoi je pourrai t’emmener. » Elle lui dit : « Emmène-moi en pèlerinage sur ton chameau untel. » Il lui dit : « Ce chameau est réservé pour ceux qui sont dans le sentier d’Allâh – Puissant et Glorieux soit-Il – » cet homme vint au Messager d’Allâh صَلَّى اللهُ عليه وآله وسَلَّم et lui dit : « Ma femme te passe le salut et la miséricorde d’Allâh. Elle me demande que je l’emmène en pèlerinage avec toi ; elle m’a dit : emmène-moi en pèlerinage avec le Messager d’Allâh صَلَّى اللهُ عليه وآله وسَلَّم. Je lui ai dit : je n’ai pas sur quoi je pourrai t’emmener. Elle me dit : emmène-moi sur ton chameau untel. Je lui ai dit : ce chameau est réservé pour ceux qui sont dans le sentier d’Allâh. » Ainsi, le Prophète صَلَّى اللهُ عليه وآله وسَلَّم dit : « Si tu l’emmènerais en pèlerinage sur ce chameau, cela aurait été dans le sentier d’Allâh. »(3) Ibn Khouzayma rapporte d’après Aboû Lâs Al-Khouzâ‘î رضي الله عنه : « Le Messager d’Allâh صَلَّى اللهُ عليه وآله وسَلَّم nous a emmené en pèlerinage sur un des chameaux de l’aumône qui étaient réservés au hadjdj… »(4) le hadith. On questionna Ibn ‘Oumar à propos d’une femme qui a donné en aumône dans le sentier d’Allâh trente dirhams ; on lui dit : « peut-on les mettre comme aumône pour le hadjdj ? » Il répond : « Cet argent est plutôt dans le sentier d’Allâh. »(5)

En revanche, donner la Zakât à l’étudiant en sciences islamiques, même s’il cela pourrait être inclus dans le sens du djihâd auprès les savants qui les considèrent parmi le reste des combattants en djhâd [qui n’ont pas à quitter leurs foyers], mais la désignation explicite du conquérant dans le hadith annule ce sens, d’un côté ; et aussi parce que le verset :

﴿إِنَّمَا ٱلصَّدَقَٰتُ … ﴾

Sens du verset :

﴾Les Sadaqât ne sont destinées que…﴿ est révélé sans qu’il y ait des étudiants en sciences islamiques au sens actuel, qui avancent graduellement dans l’acquisition des sciences en plein temps. Cela se faisait uniquement en apprenant directement, ou par médiation, les jugements religieux de la part du Prophète صَلَّى اللهُ عليه وآله وسَلَّم.

Sachant aussi que les exégètes divergent à propos du sens de la Parole d’Allâh – qu’Il soit Très-Haut- :

﴿وَمَا كَانَ ٱلۡمُؤۡمِنُونَ لِيَنفِرُواْ كَآفَّةٗۚ﴾ [التوبة: 122]

Sens du verset :

﴾Les croyants n’ont pas à quitter tous leurs foyers.﴿[s. At-Tawba (le Repentir) : v. 122] est-il considéré comme une suite des jugements qui concernent le djihâd ou non ? « Certains savants ont dit que ce verset n’englobe pas les combattants qu’ont pas à quitter pas leurs foyers. Il recèle un jugement autonome qui légitime d’aller chercher et étudier les sciences religieuses. Allâh a lié ce jugement aux choses qui indiquent l’obligation d’aller au djihâd dans le sentier d’Allâh. Ce faisant, le voyage se divise en deux catégories : la première : est le voyage pour aller combattre dans le sentier d’Allâh ; et le second : est le voyage pour la recherche scientifique. »(6) Selon ce sens, le verset n’inclus point le reste des combattants [qu’ont pas à quitter leurs foyers]. Ainsi, il n’est pas correct d’assimiler l’étudiant en sciences religieuses au conquérant dans le sentier d’Allâh. Car cela impliquerait d’inclure aussi toute action de djihâd qui se veut secourir l’islam et élever sa parole, quel que soit le type et l’arme de ce djihâd, qu’il soit mené par la plume et la langue, ou par le glaive et la flèche, ou par l’éducation et l’enseignement ou autre que cela. Je ne connais pas un texte issu des premières générations qui stipule ce genre d’élargissement dans le sens (ou d’extrapolation). C’est pourquoi on limite le sens de ce verset à celui qui est énoncé dans la Sounna authentique ; le sens de « … dans le sentier d’Allâh » qui concerne les catégories qui méritent la Zakât dans le verset :

﴿إِنَّمَا ٱلصَّدَقَٰتُ …﴾

Sens du verset :

﴾Les Sadaqât ne sont destinées que…﴿ sont les conquérants et les hadjis.

Le savoir parfait appartient à Allâh, et notre dernière invocation est qu’Allâh, Seigneur des Mondes, soit loué et que prière et salut soient sur notre Prophète, ainsi que sur sa Famille, ses Compagnons et ses Frères jusqu’au Jour de la Résurrection.

Alger, le 27 de Rabî‘ Ath-Thânî 1428 H,
correspondant au 15 mai 2007 G.

Source : Ferkous.com

(1) Rapporté par : Aboû Dâwoûd (1635) et Ibn Mâdjah (1841), d’après Aboû Sa‘îd Al-Khoudrî رضي الله عنه. Et ce hadith est jugé sahîh (authentique) par Al-Albânî dans Al-Irwâ’ (870).

(2) Rapporté par At-Tirmidhî (1655), An-Naşâ’î (3218) et Ibn Mâdjah (2518), d’après Aboû Hourayra رضي الله عنه. Et ce hadith est jugé haşane (bon) par Al-Baghawî dans Charh As-Sounna (5/6), et par Al-Albânî dans Sahîh At-Targhîb (1308), et jugé sahîh (authentique) par Ahmad Châkir dans son authentification du Mousnad de l’imam Ahmad (13/149).

(3) Rapporté par : Al-Boukhârî (1863), Mouslim (1256) et Aboû Dâwoûd et cette version lui appartient (1990), d’après Ibn ‘Abbâs رضي الله عنهما.

(4) Rapporté par Ibn Khouzayma dans son Sahîh (2377), Al-Hâkim dans Al-Moustadrak (1624) et Al-Bayhaqî dans As-Sounane Al-Koubrâ (10319), d’après Aboû Lâs Al Khouzâ‘î رضي الله عنه. Et ce hadith est jugé haşane (bon) par Al-Albânî dans As-Silsila As-Sahîha (5/342).

(5) Rapporté par Ibn Abî Chayba dans Al Mousannaf (26573).

(6) Fath Al Qadîr d’Ach-Chawkânî (2/416).